Clara 

 

Mémoire/transmission

 

Quand on pense le musée, on se doit d’avoir une réflexion sur les objets qu’il donne à voir et donc sur le discours qu’il porte. Ce discours va permettre un processus de création de mémoire et c’est ce propos qui m’intéresse. Quand on réfléchit à cette notion des auteurs nous viennent en tête et pour moi c’est surtout Paul Ricoeur qui se distingue : il se posait la question de la mémoire dans « La mémoire, l'histoire, l'oubli » (Éditions du Seuil, Paris, 2000) et plaçait la mémoire construite par les récits historiques dans la catégorie de la « mémoire manipulée » dont il disait que c’était une mémoire imposée. En appuyant le fait que c’est une seule histoire qui fait autorité, celle des livres qui composent notre éducation scolaire. L’histoire serait un travail de sélection, de choix : on choisirait d’oublier, de se rappeler et surtout d’orienter le discours. Dès qu’un choix est fait, qu’on décide d’oublier quelque chose pour mettre en avant un autre évènement, il s’agit d’un processus de construction de mémoire. C’est en partant de cette affirmation que j’ai eu l’envie de me pencher sur ce sujet. La notion de mémoire étant tout de même très vaste, je tenterai de me concentrer sur l’institution muséale dans laquelle nous travaillons en essayant de rester dans une démarche claire.

Je pensais tout d’abord m’intéresser aux définitions générales qu’on donne de la mémoire, en essayant de les discuter et de comprendre les enjeux qu’elles suggèrent pour ensuite me pencher sur la construction de la mémoire dans l’institution muséale en passant par les notions de témoignages, de transmissions et de médiations des objets de guerre en musée. Lors d’une discussion avec Mme Isabelle Rivé j’ai appris qu’un certain nombre de personnes lui faisaient une remarque des plus inhabituelles : elles étaient déçues de ne pas voir assez de photos morbides, de corps décharnés, de camps, de trains pleins de déportés …

Comme si le spectateur était à la recherche de témoins qui confirmeraient sa vision sensationnaliste de cette partie de l’Histoire. Cette anecdote m’a poussée à me demander quelles mémoire et images de la Seconde Guerre mondiale étaient transmises quotidiennement ? Aujourd’hui, dès l’âge de 12 ans, à partir du collège, les professeurs n’hésitent pas à nous projeter « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais plusieurs fois durant notre scolarité pour sans doute, et justement, « marquer les mémoires » dans une démarche choc.

Nos chaînes d’histoire sont aussi conductrices de ce genre d’expositions visuelles : des documentaires sur la Seconde Guerre mondiale il y en a énormément, mais ils sont surtout concentrés sur les évènements les plus marquants et les plus violents de cette période, en omettant le plus souvent les « temps longs » de la guerre, c’est-à-dire la vie quotidienne des personnes.

Il serait donc intéressant de comprendre comment le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation s’attache à donner à voir d’autres aspects de cette période afin de, peut-être, participer à la transformation ou la création d’une mémoire toute autre.

Et dans le cas où ce centre montrerait des violences extrêmes, comprendre comment ces images sont choisies et mises en scène. De plus, avec les exemples cités plus haut, une réflexion sur les moyens de transmission de la mémoire et les espaces mémoriels tels que les arts audiovisuels, la littérature et la musique pourrait apporter une ouverture complémentaire, néanmoins cette partie-là serait traitée en fonction de la matière trouvée et du temps qu’il faudrait pour la composer.